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CAP Douleur opérationnalisé


Problème - Déclenchement - Recommandations - Complément

Problème

La douleur est " une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle ou décrite comme telle, évoluant depuis plus de 3 à 6 mois et/ou susceptible d’affecter de façon péjorative le comportement ou le bien-être du patient " (International Association for the Study of Pain – IASP). C’est une expérience subjective et « l’incapacité à communiquer verbalement ne doit pas nier la possibilité qu’une personne soit en train de souffrir et qu’elle ait besoin d’un traitement adéquat pour soulager sa douleur » (IASP).

La douleur peut être aiguë ou chronique. La douleur aigüe (signal d’alarme) est une douleur d’apparition brutale qui nécessite d’éliminer une urgence chirurgicale ou médicale. La douleur chronique (douleur-maladie) est habituellement définie comme une douleur évoluant depuis plus de 6 mois.

Il est possible de distinguer trois types de douleur. Les douleurs nociceptives résultent d’un excès de stimuli sur les nocicepteurs (Récepteur préférentiellement sensible à un stimulus capable de produire une lésion tissulaire ou qui devient délétère s’il est prolongé) cutanés, des muscles, des tendons, des os ou des viscères (ex. : arthrose, polyarthrite rhumatoïde, escarre…). Les douleurs neuropathiques sont la conséquence d’une atteinte du système nerveux central (ex. : AVC …) ou périphérique (ex. : polyneuropathie diabétique, zona, AVC…). Les douleurs psychogènes sont des douleurs habituellement définies comme étant dues à des facteurs psychologiques en l’absence de toute atteinte organique.

Evaluer l’intensité de la douleur est parfois difficile car la perception de la douleur est une question très subjective pouvant varier considérablement d’une personne à l’autre. Par ailleurs, il n’y a pas de relation proportionnelle entre l’importance d’une lésion et la douleur exprimée. Cette intensité peut toutefois s’évaluer à l’aide d’outils adéquats tels qu’une EVA (Echelle Visuelle Analogique) ou une échelle d’hétéroévaluation de la douleur (Ex. : Doloplus).

La douleur est souvent sous-évaluée ou sous-traitée chez la personne âgée. Cette difficulté est encore plus marquée chez les personnes présentant des troubles cognitifs (démence, confusion) ou des troubles de la communication verbale (aphasie). Les personnes présentant une démence sont à risque de ne pas voir leur douleur correctement évaluée. Cette tendance à sous-évaluer et à sous-traiter la douleur vaut pour la douleur aiguë et la douleur chronique. Toute personne âgée incapable d’exprimer spontanément sa douleur et/ou de répondre à des questions sur cette douleur relève d’une hétéroévaluation.

La présence d’une douleur est susceptible d’entraîner de nombreuses répercussions : perturbations de l’état psychologique (anxiété, dépression), confusion, diminution de l’appétit et troubles du sommeil, réduction du périmètre de marche et de la participation aux AVQ, modification de l’autonomie, modifications et/ou troubles du comportement (agitation, apathie, repli sur soi, opposition lors des soins, agressivité…..). Ces répercussions doivent être prises en compte lorsqu’on tente d’évaluer la douleur d’une personne.

Lorsqu’un traitement antalgique est instauré, il est important d’en évaluer les éventuels effets secondaires (constipation, sédation, confusion, rétention urinaire….) ainsi que son impact sur le soulagement de la douleur [Voyez le CAP "Délirium"].

La gestion de la douleur se fait selon une approche interdisciplinaire où chaque soignant à un rôle à jouer, chacun pouvant en effet observer qu’une personne est douloureuse. Cette approche se fera toujours ou autant que possible avec la personne et sa famille. Les informations obtenues ou les observations relevées seront transmises le plus rapidement possible au médecin et aux autres membres de l’équipe de soins.

Pour les personnes présentant des troubles cognitifs (démence, confusion) ou des troubles de la communication verbale, il faudrait anticiper et rechercher systématiquement des signes/des manifestations de douleur. L’observation du comportement sera alors fondamentale.

PRINCIPAUX OBJECTIFS DE SOINS

  • décrire et évaluer correctement une douleur (localisation, intensité, fréquence, rythme, facteurs qui soulagent et/ou aggravent);
  • identifier et traiter les raisons sous-jacentes de la douleur ;
  • soulager la douleur ;
  • repérer les répercussions éventuelles de la douleur ;
  • évaluer l’efficacité du traitement antalgique et ses éventuels effets secondaires ;


Déclenchement

L’objectif du CAP "Douleur" est d’évaluer et de traiter la douleur, d’identifier les répercussions éventuelles, d’apprécier l’effet d’un traitement antalgique ainsi que ses effets secondaires.

Ce CAP distingue deux groupes de personnes nécessitant le déclenchement du CAP Douleur en prenant en compte la sévérité de la douleur exprimée :

  • Groupe cible à haut risque – une personne avec une douleur forte ou insoutenable (peu importe que la douleur survienne de façon quotidienne ou moins fréquemment);
  • Groupe cible à risque moyen – une personne avec une douleur quotidienne décrite comme moyenne ou modérée ;
  • Groupe non cible – tous les autres.


Recommandations

Ces recommandations concernent les groupes cible à haut risque (code 2) et à risque moyen (code 1).

3.1. Evaluation

Avant d’instaurer et/ou de modifier un traitement antalgique, il est important de procéder à une évaluation complète de la douleur et de ses répercussions éventuelles. L’évaluation de la douleur est une étape initiale qui doit permettre ultérieurement de prendre des mesures permettant d’en favoriser le soulagement.

L’évaluation de la douleur vise à recueillir un maximum d’informations auprès de la personne, de ses proches et des autres membres de l’équipe soignante. Cette évaluation prend en compte les aspects suivants :

  • description de la fréquence, de l’intensité et de la localisation de la douleur. S’interroger sur la fréquence permettra de préciser s’il s’agit d’une douleur permanente, récurrente, intermittente. L’intensité de la douleur doit s’apprécier à l’aide des outils d’évaluation prévus à cet effet (Echelle Visuelle Analogique – EVA ; Echelle Numérique – EN ; Echelle Verbale Simple – EVS) en tenant compte des caractéristiques de la personne. Si elle ne présente pas de troubles cognitifs et/ou de troubles de la communication, la personne est capable de décrire sa douleur et peut tenter d’en préciser l’intensité (autoévaluation) à l’aide d’outils d’autoévaluation (Echelle Visuelle Analogique – E.V.A.). Si la personne présente des troubles cognitifs et/ou des troubles de la communication l’empêchant de décrire et/ou de répondre à des questions sur la douleur on utilisera une échelle d’hétéroévaluation (Doloplus). Autant que possible on tentera de préciser l’endroit du corps où la douleur se manifeste ;
  • début. Déterminez si la douleur est nouvelle, récente ou plus ancienne;
  • facteur déclenchant, aggravant, soulageant. Précisez les circonstances qui déclenchent (ex. : certains soins, la marche, garder une position prolongée,…), aggravent (ex. : les mobilisations, l’anxiété, …) ou soulagent la douleur (ex. : la chaleur, le froid, le repos, ..) ;
  • répercussions. Déterminez si la douleur entraîne certaines répercussions (anxiété, dépression, troubles du sommeil, modifications de l’appétit, réduction de la mobilité et/ou du périmètre de marche, refus de certains soins ….). [voyez les CAP "AVQ", "Humeur", "Comportement", "Relations sociales"] ;
  • impact du traitement antalgique. Après instauration d’un traitement antalgique, il faut veiller à poursuivre l’évaluation en vue d’apprécier le soulagement de la douleur et/ou les éventuels effets secondaires liés au traitement antalgique (constipation, sédation, confusion…).

Pour s’aider dans l’évaluation de la douleur, il est important de recourir à l’observation de la personne. Celle-ci devra être réalisée à différents moments de la journée et lors de différentes activités (distinguer la douleur pendant des mobilisations vs au repos, distinguer la douleur lors de la réalisation de certains soins vs en l’absence de soins).

L’évaluation de la douleur de la personne âgée présente des particularités dont il faut tenir compte.

Premièrement, il existe chez la personne âgée une tendance à minimiser la douleur (stoïcisme) ce qui peut se manifester par une certaine résignation. Il est donc important de ne pas nécessairement attendre qu’elle se plaigne spontanément de douleur. Par ailleurs, les plaintes spontanées de douleur peuvent être moins fréquentes chez la personne âgée voire absentes chez la personne avec troubles cognitifs. Il est donc nécessaire d’anticiper et d’interroger plus systématiquement et/ou de rechercher des observations qui peuvent être le signe de la présence d’une douleur.

Deuxièmement, des douleurs peuvent être provoquées, [induites par certains soins|] ou gestes techniques à visée diagnostique et/ou à visée thérapeutique (Ex. : ponction lombaire, injection intramusculaire ou sous-cutanée, pose/retrait de sondes gastriques ou urinaires, soins de plaies et réfection de pansements ) [voyez le CAP "Ulcère de pression"]. Elles peuvent aussi résulter d’actes non prescrits mais liés au quotidien (soins liés aux AVQ) comme la manutention et la mobilisation, l’hygiène corporelle et bucco-dentaire, l’habillage/déshabillage/toilette, …). Dans ce contexte, il est important de tenter de prévenir de telles douleurs en ayant notamment recours à une couverture antalgique anticipée (traitement antalgique administré avant le soin de façon à ce que celui-ci soit moins douloureux). On peut également s’aider de stratégies thérapeutiques anticipées non médicamenteuses et de mesures de confort (distraction, alternance de périodes repos/activités, massage, aide dans le positionnement, soutien et réassurance).

Enfin, on veillera à ne pas oublier que l’on peut également observer des manifestations non verbales de la douleur :

  • modifications physiologiques (pâleur, sudation, …) ;
  • mimiques (modifications du visage avec traits grimaçants, tirés, plissement au niveau du front, bouche serrée, …) ;
  • modifications du comportement (agressivité, apathie, repli sur soi, …) ;
  • modifications de la posture (non utilisation d’un membre, positions antalgiques, protections de zones douloureuses, …) ;
  • expressions verbales (cris, gémissements, grognements, pleurs, soupirs …).

Toutes les informations relevées devront être transcrites et transmises aux autres membres de l’équipe soignante ainsi qu’au médecin.

3.2. Stratégies thérapeutiques médicamenteuses

L’évaluation de la douleur va permettre par la suite de définir un traitement antalgique et éventuellement de choisir des co-analgésiques. Les antalgiques sont classiquement hiérarchisés en trois paliers définis par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé).

Niveau 3
Douleur intense et/ou échec des antalgiques du niveau II
Opioïdes forts
Agonistes purs
*Morphine
*Hydromorphone
*Oxycodone
*Fentanyl
Niveau 2
Douleur modérée à sévère et/ou échec des antalgiques du niveau I
Opioïdes faibles
•Codéine
•Tramadol
•Tilidine
•Buprénorphine
Niveau 1
Douleur légère à modérée
Non opioïdes
•Aspirine
•Paracétamol
•AINS

Le choix du traitement antalgique médicamenteux est fait par le médecin.

Avant l’instauration du traitement antalgique, il faudra veiller à :

  • noter le traitement médicamenteux pris par la personne afin d’éviter d’éventuelles interactions médicamenteuses ;
  • relever les traitements qui ont spontanément été essayés par le patient (automédication) ainsi que les préparations à base de plantes ;
  • rechercher si des antalgiques ont été prescrits par le passé et préciser ceux qui ont apporté un soulagement ;
  • choisir une voie d’administration simple, confortable et adaptée (voie orale préférentielle).

Après l’instauration du traitement antalgique, il faudra veiller à :

  • objectiver le soulagement éventuel ;
  • repérer les éventuels effets secondaires [voyez le CAP "Médicaments"];
  • veiller à une prise correcte et régulière du traitement ;
  • administrer le traitement de manière régulière et à heures fixes.

Dans le cas de douleurs induites par certains soins, on veillera à ce que la personne reçoive son traitement antalgique avant le déroulement de ce soin en tenant compte du délai d’action de la molécule choisie.

3.3. Stratégies thérapeutiques non médicamenteuses à visée antalgique

L’utilisation d’un traitement antalgique médicamenteux peut s’avérer insuffisante et compliquée pour de multiples raisons (interactions médicamenteuses, contre-indications, …). Afin d’optimiser le soulagement de la douleur, il peut être utile de recourir à des stratégies thérapeutiques non médicamenteuses qui seront utilisées à visée antalgique. Ces stratégies viendront compléter le traitement médicamenteux déjà mis en place.

Les avantages de ces stratégies sont multiples :

  • sont efficaces et peuvent soulager la personne ;
  • ne présentent pas d’effets secondaires ;
  • donnent à la personne et à la famille l’impression de participer à la prise en charge ;
  • permettent de diminuer les antalgiques voire de les interrompre ce qui minimise les effets secondaires.

Il existe de nombreuses stratégies thérapeutiques non médicamenteuses. Toutefois, celle qui sera souvent utilisée en première intention est l’information de la personne, de sa famille et des membres de l’équipe soignante. Il s’agit de manière générale d’expliquer ce qu’est la douleur et son traitement :

  • rappeler que la douleur et les répercussions éventuelles qui y sont liées ne font pas partie du vieillissement normal. La personne âgée doit savoir qu’elle a le droit de se plaindre de sa douleur et que celle-ci peut être évaluée et traitée ;
  • rappeler que le patient dément peut percevoir la douleur même s’il peut avoir des difficultés à l’exprimer ;
  • rectifier les croyances erronées (une douleur sévère ne signifie pas forcément qu’il existe une pathologie sévère, le traitement médicamenteux n’induit pas forcément de risque de s’habituer, de s’intoxiquer ou de devenir dépendant, utiliser la morphine ne signifie pas qu’on est en fin de vie) ;
  • expliquer comment le traitement antalgique doit être pris (à horaires et intervalles fixes).

Vous pouvez également envisager d’autres stratégies thérapeutiques non médicamenteuses :

  • soutien psychologique par le psychologue;
  • relaxation ;
  • distraction ;
  • kinésithérapie ;
  • physiothérapie ;
  • ergothérapie ;
  • musicothérapie.

Le choix et l’utilisation de certaines stratégies thérapeutiques non médicamenteuses peuvent être faits par les membres de l’équipe soignante, le patient et/ou les proches.


Complément

  • LIVRES
    • Sebag-Lanoë R, Wary B, Mischlich D. La douleur des femmes et des hommes âgés. Paris : Editions Masson 2002
    • Queneau P, Ostermann G. Le médecin, le malade et la douleur. Paris : Editions Masson 2004
  • ARTICLES
    • Bernadei R, Gambassi G, Lapane K, et al. Management of pain in elderly persons with cancer. JAMA 1998; 279 (23):1877-1882
    • Farrell MJ, Katz B, Helme RD. The impact of dementia on the pain experience. Pain 1996; 67:7-15
    • Finne-Soveri UH, Ljunggren G, Schroll M, Jonsson PV, Hjaltadottir I, El Kholy K, Tilvis RS. Pain and its association with disability in the institutional long-term care in four Nordic countries. The Canadian Journal on Aging 2000 (Suppl 2); 19:S38-49
    • Herr K. Pain control : pain assessment in cognitively impaired older adults. American Journal of Nursing 2002; 102:65-68
    • Scherder E, Oosterman J, Swaab D, Herr K, Ooms M, Ribbe M, Sergeant J, Pickering G, Benedetti F. Recent developments in pain in dementia. BMJ 2005;330-461-4
    • Zyxzkowsa J, Szczerbinska K, Jantzi MR, Hirdes JP. Pain among the oldest old in community and institutions. Pain 2007; 129 (1-2): 16776
    • World Health Organization. Cancer pain relief with a guide to opioid availability. Geneve: WHO 1996.
  • RECOMMANDATIONS
    • Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé (ANAES). Evaluation et prise en charge de la douleur chez les personnes âgées ayant des troubles de la communication verbale. Octobre 2000
    • Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé (ANAES). Evaluation et suivi de la douleur chronique chez l’adulte en médecine ambulatoire. Février 1999
    • AGS Panel on Persistent Pain in Older Persons. The management of persistent pain in older persons. Clinical practice guideline. Journal of American Geriatrics Society 2002;50:S205-S224
    • American Society of Anesthesiologists. Practice guidelines for chronic pain management. A report by the American Society of Anesthesiologists Task Force on Pain Management, Chronic Pain Section. Anesthesiology 1997; 86: 995-1004
    • Bachino C, Snow A, Kunik M, Cody M, Wristers K. Principles of pain assessment and treatment in non-communicative demented patients. Clinical Gerontologist 2001; 23:97-110
    • Merskey H, Bogduk N. Classification of chronic pain. Descriptions of chronic pain syndromes and definitions of pain terms. Prepared by the Task Force on Taxonomy of the International Association for the Study of Pain, 2nd ed.
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