III. RECOMMANDATIONS POUR LE CAP DOULEUR

Ces recommandations concernent les groupes cible à haut risque (code 2) et à risque moyen (code 1).

3.1. Evaluation

Avant d’instaurer et/ou de modifier un traitement antalgique, il est important de procéder à une évaluation complète de la douleur et de ses répercussions éventuelles. L’évaluation de la douleur est une étape initiale qui doit permettre ultérieurement de prendre des mesures permettant d’en favoriser le soulagement.

L’évaluation de la douleur vise à recueillir un maximum d’informations auprès de la personne, de ses proches et des autres membres de l’équipe soignante. Cette évaluation prend en compte les aspects suivants :

  • description de la fréquence, de l’intensité et de la localisation de la douleur. S’interroger sur la fréquence permettra de préciser s’il s’agit d’une douleur permanente, récurrente, intermittente. L’intensité de la douleur doit s’apprécier à l’aide des outils d’évaluation prévus à cet effet (Echelle Visuelle Analogique – EVA ; Echelle Numérique – EN ; Echelle Verbale Simple – EVS) en tenant compte des caractéristiques de la personne. Si elle ne présente pas de troubles cognitifs et/ou de troubles de la communication, la personne est capable de décrire sa douleur et peut tenter d’en préciser l’intensité (autoévaluation) à l’aide d’outils d’autoévaluation (Echelle Visuelle Analogique – E.V.A.). Si la personne présente des troubles cognitifs et/ou des troubles de la communication l’empêchant de décrire et/ou de répondre à des questions sur la douleur on utilisera une échelle d’hétéroévaluation (Doloplus). Autant que possible on tentera de préciser l’endroit du corps où la douleur se manifeste ;
  • début. Déterminez si la douleur est nouvelle, récente ou plus ancienne;
  • facteur déclenchant, aggravant, soulageant. Précisez les circonstances qui déclenchent (ex. : certains soins, la marche, garder une position prolongée,…), aggravent (ex. : les mobilisations, l’anxiété, …) ou soulagent la douleur (ex. : la chaleur, le froid, le repos, ..) ;
  • répercussions. Déterminez si la douleur entraîne certaines répercussions (anxiété, dépression, troubles du sommeil, modifications de l’appétit, réduction de la mobilité et/ou du périmètre de marche, refus de certains soins ….). [voyez les CAP « AVQ », « Troubles de l'humeur », « Comportement », « Relations sociales »] ;
  • impact du traitement antalgique. Après instauration d’un traitement antalgique, il faut veiller à poursuivre l’évaluation en vue d’apprécier le soulagement de la douleur et/ou les éventuels effets secondaires liés au traitement antalgique (constipation, sédation, confusion…).

Pour s’aider dans l’évaluation de la douleur, il est important de recourir à l’observation de la personne. Celle-ci devra être réalisée à différents moments de la journée et lors de différentes activités (distinguer la douleur pendant des mobilisations vs au repos, distinguer la douleur lors de la réalisation de certains soins vs en l’absence de soins).

L’évaluation de la douleur de la personne âgée présente des particularités dont il faut tenir compte.

Premièrement, il existe chez la personne âgée une tendance à minimiser la douleur (stoïcisme) ce qui peut se manifester par une certaine résignation. Il est donc important de ne pas nécessairement attendre qu’elle se plaigne spontanément de douleur. Par ailleurs, les plaintes spontanées de douleur peuvent être moins fréquentes chez la personne âgée voire absentes chez la personne avec troubles cognitifs. Il est donc nécessaire d’anticiper et d’interroger plus systématiquement et/ou de rechercher des observations qui peuvent être le signe de la présence d’une douleur.

Deuxièmement, des douleurs peuvent être provoquées, [induites par certains soins|] ou gestes techniques à visée diagnostique et/ou à visée thérapeutique (Ex. : ponction lombaire, injection intramusculaire ou sous-cutanée, pose/retrait de sondes gastriques ou urinaires, soins de plaies et réfection de pansements ) [voyez le CAP « Ulcères de pression »]. Elles peuvent aussi résulter d’actes non prescrits mais liés au quotidien (soins liés aux AVQ) comme la manutention et la mobilisation, l’hygiène corporelle et bucco-dentaire, l’habillage/déshabillage/toilette, …). Dans ce contexte, il est important de tenter de prévenir de telles douleurs en ayant notamment recours à une couverture antalgique anticipée (traitement antalgique administré avant le soin de façon à ce que celui-ci soit moins douloureux). On peut également s’aider de stratégies thérapeutiques anticipées non médicamenteuses et de mesures de confort (distraction, alternance de périodes repos/activités, massage, aide dans le positionnement, soutien et réassurance).

Enfin, on veillera à ne pas oublier que l’on peut également observer des manifestations non verbales de la douleur :

  • modifications physiologiques (pâleur, sudation, …) ;
  • mimiques (modifications du visage avec traits grimaçants, tirés, plissement au niveau du front, bouche serrée, …) ;
  • modifications du comportement (agressivité, apathie, repli sur soi, …) ;
  • modifications de la posture (non utilisation d’un membre, positions antalgiques, protections de zones douloureuses, …) ;
  • expressions verbales (cris, gémissements, grognements, pleurs, soupirs …).

Toutes les informations relevées devront être transcrites et transmises aux autres membres de l’équipe soignante ainsi qu’au médecin.

3.2. Stratégies thérapeutiques médicamenteuses

L’évaluation de la douleur va permettre par la suite de définir un traitement antalgique et éventuellement de choisir des co-analgésiques. Les antalgiques sont classiquement hiérarchisés en trois paliers définis par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé).

Niveau 3
Douleur intense et/ou échec des antalgiques du niveau II
Opioïdes forts
Agonistes purs
*Morphine
*Hydromorphone
*Oxycodone
*Fentanyl
Niveau 2
Douleur modérée à sévère et/ou échec des antalgiques du niveau I
Opioïdes faibles
•Codéine
•Tramadol
•Tilidine
•Buprénorphine
Niveau 1
Douleur légère à modérée
Non opioïdes
•Aspirine
•Paracétamol
•AINS

Le choix du traitement antalgique médicamenteux est fait par le médecin.

Avant l’instauration du traitement antalgique, il faudra veiller à :

  • noter le traitement médicamenteux pris par la personne afin d’éviter d’éventuelles interactions médicamenteuses ;
  • relever les traitements qui ont spontanément été essayés par le patient (automédication) ainsi que les préparations à base de plantes ;
  • rechercher si des antalgiques ont été prescrits par le passé et préciser ceux qui ont apporté un soulagement ;
  • choisir une voie d’administration simple, confortable et adaptée (voie orale préférentielle).

Après l’instauration du traitement antalgique, il faudra veiller à :

  • objectiver le soulagement éventuel ;
  • repérer les éventuels effets secondaires [voyez le CAP « Médication appropriée »];
  • veiller à une prise correcte et régulière du traitement ;
  • administrer le traitement de manière régulière et à heures fixes.

Dans le cas de douleurs induites par certains soins, on veillera à ce que la personne reçoive son traitement antalgique avant le déroulement de ce soin en tenant compte du délai d’action de la molécule choisie.

3.3. Stratégies thérapeutiques non médicamenteuses à visée antalgique

L’utilisation d’un traitement antalgique médicamenteux peut s’avérer insuffisante et compliquée pour de multiples raisons (interactions médicamenteuses, contre-indications, …). Afin d’optimiser le soulagement de la douleur, il peut être utile de recourir à des stratégies thérapeutiques non médicamenteuses qui seront utilisées à visée antalgique. Ces stratégies viendront compléter le traitement médicamenteux déjà mis en place.

Les avantages de ces stratégies sont multiples :

  • sont efficaces et peuvent soulager la personne ;
  • ne présentent pas d’effets secondaires ;
  • donnent à la personne et à la famille l’impression de participer à la prise en charge ;
  • permettent de diminuer les antalgiques voire de les interrompre ce qui minimise les effets secondaires.

Il existe de nombreuses stratégies thérapeutiques non médicamenteuses. Toutefois, celle qui sera souvent utilisée en première intention est l’information de la personne, de sa famille et des membres de l’équipe soignante. Il s’agit de manière générale d’expliquer ce qu’est la douleur et son traitement :

  • rappeler que la douleur et les répercussions éventuelles qui y sont liées ne font pas partie du vieillissement normal. La personne âgée doit savoir qu’elle a le droit de se plaindre de sa douleur et que celle-ci peut être évaluée et traitée ;
  • rappeler que le patient dément peut percevoir la douleur même s’il peut avoir des difficultés à l’exprimer ;
  • rectifier les croyances erronées (une douleur sévère ne signifie pas forcément qu’il existe une pathologie sévère, le traitement médicamenteux n’induit pas forcément de risque de s’habituer, de s’intoxiquer ou de devenir dépendant, utiliser la morphine ne signifie pas qu’on est en fin de vie) ;
  • expliquer comment le traitement antalgique doit être pris (à horaires et intervalles fixes).

Vous pouvez également envisager d’autres stratégies thérapeutiques non médicamenteuses :

  • soutien psychologique par le psychologue;
  • relaxation ;
  • distraction ;
  • kinésithérapie ;
  • physiothérapie ;
  • ergothérapie ;
  • musicothérapie.

Le choix et l’utilisation de certaines stratégies thérapeutiques non médicamenteuses peuvent être faits par les membres de l’équipe soignante, le patient et/ou les proches.

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